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Mon tout nouveau site www.annouchkagravelgalouchko.com contient un blogue que dorénavant j'utiliserai pour partager ma vie artistique avec vous. Je vous invite donc à m'y suivre.

Ce blogue-ci servira uniquement à commenter mes activités de médiation culturelle avec les partenaires institutionnels.

lundi 27 février 2012

Réponses aux universitaires de Winnipeg

J'ai reçu récemment un courriel de quatre étudiants de l'université de Winnipeg me demandant de répondre à quelques questions au sujet des illustrations d'un album jeunesse, The Nutmeg Princess, sa version en français étant intitulée, Le mystère de l'île aux épices.

Voici la mise en contexte du projet et les questions posées par les étudiants.

We are a group of students at the University of Winnipeg. We are doing a project on the children's book that you illustrated, "The Nutmeg Princess" and were wondering if you would be willing to answer a few questions regarding the illustrations. If you would be willing to help us out we would be really appreciative. The project is for an English course where we are analyzying/examining a literary text from a particular theoretical orientation. In this case, we are looking at the text from a Phenomenological theory.

Le projet en question est inscrit dans le cadre d’un cours de littérature anglaise à l'Université de Winnipeg dans lequel les étudiants à partir d’un texte littéraire, en font l’analyse utilisant une orientation théorique particulière. Dans ce cas il s'agit de la théorie phénoménologique.



Le Mystère de l’île aux épices, The Nutmeg Princess
Annick-Press, Toronto, Canada, 1992. Ce livre a été également traduit en espagnol, puis en chinois en 1996 par la maison d’édition Chinese Christian Literature Concil.

1. Avais-tu déjà dans ton expression picturale, cet univers onirique et fantaisiste que tu aurais accordé à celui de l’auteur? As-tu enrichi l’histoire de ton imaginaire et de quelle façon?
2. Y avait-il un lien quelconque entre ce texte et ton histoire personnelle?
3. Crois-tu que tes illustrations renforcent le sens de l’histoire?
Peux-tu nous donner un exemple?
4. As-tu beaucoup communiqué avec l’auteur avant de te mettre au travail?
5. As- tu des comptes rendus ou critiques à propos de ce livre de disponibles?

1. Besides the actual story, did you have any specific inspirations behind the illustrations/type of illustration style (whimsical fantasy approach) that you used?
2. Did you have any connections to the story?
3. How do you think the illustrations help strenghten the storyline? Any specific images?
4. Did you communicate a lot with the author regarding the illustrations?
5. Do you know of any (or where we could find any) reviews or critical analysis' done on the book?

Any information you can provide would be awesome!

Réponses aux étudiants de l’Université de Winnipeg

Chers Brianne, Bryna, Bjorn and Bret, (Les 4 B!)
Tout d'abord, je voudrais vous remercier de l’intérêt que vous portez au livre de Richardo Keens-Douglas que j’ai illustré. L’eau a coulé sous les ponts depuis sa sortie en 1992 et je suis heureuse de penser qu’après tant d’années, il soit encore vivant entre vos mains!

Issue d'un métissage culturel (père né en France de parents russes et mère née en Saskatchewan de parents Québécois) et ayant vécu et voyagé depuis ma plus tendre enfance dans plusieurs pays (trois ans en Égypte, trois ans en Iran, un an au Mexique, un an en France et deux ans en Autriche), j'ai côtoyé différentes cultures. Ainsi, mon vécu et ma double origine ont enrichi et complexifié mon identité culturelle. À mon insu et au fond de moi s'est créé un amalgame de toutes ces influences que je retrouve par un effet de miroir dans mes oeuvres. J'élabore ma propre mythologie à partir de toutes ces civilisations qui m'ont traversée et que j'ai traversées. Faisant partie de mon vécu passé non intellectualisé d'enfant et d'adolescente, ces multiples impressions que je recrée encore spontanément dans mon travail, ont été reçues en toute sensibilité et sensualité, pour le meilleur et pour le pire. Petite, je me sentais déjà étrangère et familière à plusieurs cultures, immergée, mais aussi souvent déracinée dans de nouveaux espaces sociaux culturels auxquels je devais rapidement m'adapter : j'absorbais et assimilais leurs influences comme le fait, en toute innocence, un enfant impressionnable.

j'ai hérité de mes parents un riche bagage culturel, la passion des voyages et une curiosité insatiable pour les cultures du monde. Avec l'âge, une certaine distance critique face aux traditions de ces différents pays s'est naturellement créée; mais en même temps demeure toujours profondément ancrée en moi, une sensation que toutes ces cultures sont aussi les miennes. C'est pour cela que l'on peut faire appel à moi pour illustrer des textes qui parlent "de l'autre en moi-même, pour illustrer les parfums du monde du Mystère de l'île aux Épices, dont les dessins et les couleurs prennent une vibration des Caraïbes, Mala, un conte du folklore de l'Inde, ou The Birdman, une histoire véridique s'étant passée à Kolkota que j’ai illustrée avec mon compagnon de vie, Stéphan Daigle, ou encore, mon propre texte Shô et les dragons d'eau dont les illustrations prennent un accent de finesse de l'art japonais.

Le mystère de l'île aux épices a été le premier album publié que j’ai illustré. Dès le début, j’ai senti une connexion spirituelle avec le récit et avec l'auteur. Le texte m’a tout de suite envoûté. En me branchant profondément sur l'histoire, inconsciemment, la vie et l'enfance de l'auteur à Grenade se sont ouvertes à moi.


Illustration de ©Annouchka Gravel Galouchko, tirée de l'album jeunesse, Le mystère de l'Île aux épices, Annick-Press, Toronto

Aussi loin que je m’en souvienne, le monde onirique et fantaisiste a fait partie de ma psyché, s’exprimant dans mon travail visuel et celui de l’écriture. Je suis d'un tempérament rêveur et contemplatif et j’ai toujours été sensible à la beauté de la nature. Enfant, la vue de la destruction de Dame-Nature pouvait me bouleverser; et encore aujourd'hui. Habitée aussi par une forme de nostalgie d’un paradis perdu qui, par moments, me hante encore : j'ai besoin de le manifester dans mon art. À mon insu, mon héritage familial paternel russe m’a probablement imprégné de nostalgie : ma famille russe étant fortement marquée par les horreurs de la révolution russe, la perte du domaine ancestral et par l’exil. J’aimais profondément mes grands-parents.


Illustration de ©Annouchka Gravel Galouchko, tirée de l'album, Le jardin de Monsieur Préfontaine, éditions Les 400 coups, Montréal


Mais on avait beau vouloir assécher la fontaine, elle chantait tout de même. Illustration de ©Annouchka Gravel Galouchko, tirée de l'album, Le jardin de Monsieur Préfontaine, éditions Les 400 coups, Montréal

Je suis moi-même auteure. Au tout début des années 1980, isolée dans un village en Gaspésie, j’ai peint les premières images et amorcé l’écriture d’un de mes futurs albums, Le jardin de Monsieur Préfontaine. Le livre parle de la blessure laissée par la perte du paradis. Après avoir perdu la fortune reçue en héritage qui lui permettait d’entretenir un domaine de beauté, Monsieur Préfontaine est obligé de trouver en lui-même les ressources pour le faire renaître. Il doit retrouver au cœur même de l’être, le jardin intérieur immortel et indestructible.


Illustration de ©Annouchka Gravel Galouchko, tirée de l'album, Le jardin de Monsieur Préfontaine, éditions Les 400 coups, Montréal

Au début des années 90, je suis partie en Italie à la foire de Bologne, emportant avec moi le texte et les grandes illustrations de ce projet, dans l’espoir qu’il soit publié.

À mon retour à Montréal, mon premier album à illustrer m’attendait officiellement. Il s’agissait du livre Le mystère de l’île aux épices qui sera un succès international. Le jardin de Monsieur Préfontaine sera publié quelques années plus tard, en 1997.

Un univers commun nous a reliés, Richardo et moi. Je me suis tout de suite réjoui en lisant son texte qui parle de façon enchanteresse du petit coin de paradis d’où il vient : Grenade, qu’on appelle aussi, par la richesse des variétés de ses arbres à épices, l’Île aux Épices. L’auteur nous entraîne dans une réflexion sur la générosité et la compassion en encourageant le développement de ces essentielles qualités de coeur.

Aglo, un gamin sensible et ouvert, se lie d’amitié avec une vieille dame farouche qui lui fait découvrir un monde de don et de beauté. Pétale, son amie, communie à celle-ci par sa générosité d’âme. Aglo et Pétale font la découverte de la beauté à travers leurs cœurs : cette beauté qui est au-delà des apparences. Je crois que Richardo, en écrivant et en contant cette histoire, s’est découvert la mission de protéger son petit coin de pays pour le bien de tous. L'auteur est d'ailleurs retourné vivre sur son île après un long séjour au Canada.


Illustration de ©Annouchka Gravel Galouchko, tirée de l'album jeunesse, Le mystère de l'Île aux épices, Annick-Press, Toronto

Les illustrations que j’ai créées pour Le mystère de l’île aux épices sont nées dans la continuité stylistique de mon travail qui est de nature onirique, fantaisiste et symbolique. Je personnifie souvent la nature et les objets. Je prends plaisir à donner une allure humaine et fantaisiste à mes arbres, pierres ou objets. Mon inspiration me vient d'une vision que j'ai du monde. J'ai la profonde intuition que nous ne sommes pas séparés de toutes les formes de vie et qu'une même essence indestructible nous relie.


Illustration de ©Annouchka Gravel Galouchko, tirée de l'album, Le jardin de Monsieur Préfontaine, éditions Les 400 coups, Montréal

Dans mes illustrations, l'arbre peut marcher, la montagne observer les événements autour d'elle. Une maison habitée par des gens malheureux peut pleurer. Je projette des sentiments humains dans la nature ou les objets que je revêts parfois d’inquiétude, si celle-ci est menacée. C'est le monde de l'enfance où l'on projette ses propres sentiments sur le monde qui nous entoure. Mais c'est aussi une expression de la connaissance intuitive de l'interrelation de toutes choses. Cette intuition nous dit que nous pouvons communier avec toutes les manifestations de la nature et les affecter positivement ou négativement.

Dans Le mystère de l’île aux épices, mes illustrations témoignent de l’omniprésence de Dame Nature. Elle est généreuse et spontanée. Sa bonté émet naturellement de la lumière et de la chaleur. C’est sa nature même d’être ainsi et elle n’a pas besoin de fournir d’efforts. Sa beauté est au-delà du mental. Lorsque notre esprit est silencieux, nous pouvons nous fondre en elle, parce que la nature ne rationalise pas et qu’elle n’argumente pas avec nous. Pour bien des gens, la nature reflète de façon plus évidente cette réalité vitale au-delà de nos sens et qui est à l’intérieur de nous-mêmes. Aglo et Pétale, les deux enfants dans l’histoire, sont sensibles à la nature et les yeux de leurs cœurs s’ouvrent à et dans la Présence.


Illustration de ©Annouchka Gravel Galouchko, tirée de l'album jeunesse, Le mystère de l'Île aux épices, Annick-Press, Toronto

Voir avec les yeux du coeur

L’histoire de Richardo Keens-Douglas est très riche. Je vois cette histoire comme un conte de sagesse. Selon moi, ce qui fait la beauté de ce genre de contes c’est qu’ils s’adressent à tous les âges, s’adaptant à notre perception et à notre compréhension. On voyage dans l’oeuvre et on jouit de son apparence esthétique tout en plongeant dans le domaine subtil des vérités cachées. Les différents niveaux de lecture sont inséparables.

L’auteur et moi, nous nous sommes enrichis mutuellement, nous complétant dans nos expressions. Comme cette histoire possède plusieurs niveaux de lecture, ce fut l’occasion rêvée de m’envoler, comme dans mon enfance sur mon “tapis magique”, faisant apparaître dans les images les terres lumineuses de mon imagination. Le texte m’a amené à illustrer symboliquement l’ouverture des “yeux du coeur” qui est le thème majeur de ce livre.

Le mystère de l’île aux épices est relié au cheminement spirituel que j’ai commencé à entreprendre à cette époque, de façon plus engagée. La création des illustrations du livre a convergé dans le temps avec la rencontre inattendue et inespérée d’un maître zen authentique. J’ai reçu de lui des enseignements spirituels durant plusieurs années. Pour moi, deux cadeaux apaisants et comblant de la Vie m’étaient offerts : celui d’être enfin publiée par une bonne maison d’édition et soutenue par une éditrice merveilleuse croyant en moi et celui d’être guidé spirituellement par un être remarquable. Je n’ai pu faire autrement que de projeter à travers mes images, ma foi, mon bonheur et ma gratitude envers la Vie.


Illustration de ©Annouchka Gravel Galouchko, tirée de l'album jeunesse, Le mystère de l'Île aux épices, Annick-Press, Toronto. Un lac sans fond au beau milieu d'un volcan qu'on tente de mesurer rationnellement pour en trouver le fond insondable.

Un jour, mon maître zen m’a dit cette phrase saisissante : “La nature n’en a rien à faire de toi!” Sur le coup, sa remarque m'a frustrée, "moi " qui aime tant la nature! J'ai compris par la suite qu’il voulait me pousser hors des limites de l’ego qui s'imagine une entité séparé et autonome; que je ressente plus profondément notre rapport réel à la nature et à la nature de notre existence qui est interdépendante et inter-reliée avec TOUS les êtres; que je connaisse un jour notre "vraie nature", commune à tous.

"Notre vraie nature" est indestructible, l’essence de Dame Nature est indestructible. C’est ce que j’ai tenté d’exprimer dans Le mystère de l’île aux épices, cette vérité au-delà des apparences exprimée si joliment dans le texte.

Avant de se mettre au travail, on peut s’incliner devant notre tâche à accomplir, se rappelant ainsi que l’on est UN avec celui-ci. Le travail entrepris avec la motivation intérieure de s’ouvrir les yeux du coeur peut ressembler à une prière offerte pour notre propre bien et pour le bien de tous. Si nous mettons tout notre cœur à l’ouvrage, peut-être qu’un jour nous ne pourrons faire autrement que de vivre dans la conscience de "notre vraie nature"?

J’ai renforcé par mes images le sens de l’histoire de Richardo en y faisant ressortir la beauté de son aspect spirituel. La manière dont j’ai travaillé en ayant recours à l’univers allégorique des signes et des symboles a été intuitive. Je me suis laissé guider par l’inspiration. Avec la distance et les questions pertinentes que vous me posez aujourd’hui, je réalise combien j’ai été profondément connectée à une forme de connaissance universelle venant des profondeurs de ma psyché. Aussi, en me penchant à nouveau sur ce livre publié il y a 20 ans déjà, et grâce à vos questions, je m’aperçois que ma compréhension du texte et des images se révèlent aujourd’hui sous un nouveau jour, plus consciemment. Vous me poussez à réexaminer mes motivations intérieures quant au travail de création.

Je considère le véritable travail de création comme un moyen de connaissance de Soi. "L’inconscient n’est pas scientifique, il est artistique!" disait Alejandro Jodorowsky. Toute la Vie est création, tout ce qui se manifeste est une création de l’esprit. Le pouvoir de l’imagination et de la visualisation est immense, partant continuellement de l’intérieur pour de manifester à l’extérieur.


Illustration de ©Annouchka Gravel Galouchko, tirée de l'album jeunesse, Le mystère de l'Île aux épices, Annick-Press, Toronto

Nous pouvons tous devenir le héros de notre propre légende et l’art est un moyen formidable pour y parvenir! En fait, j’ai transposé, dans les héros de Richardo, mon rêve de perfection, ma quête spirituelle et mon grand désir de voir avec les yeux du coeur, ce qui implique le renoncement des attachements et des valeurs égocentriques.

Exemples d’images exprimant symboliquement le sens des vérités caché ou invisible dans l’histoire
Tout à coup, la princesse remua ses cheveux et tous les diamants de rosée se répandirent sur le lac. C’était comme si le ciel s’ouvrait pour laisser s’échapper des millions d’étoiles. Un des diamants se posa au milieu du front de Pétale, elle leva les yeux et, à son tour, vit la Princesse Muscade.
Je peux la voir, Aglo. Je peux la voir!”
 “Tu n’es pas égoïste, dit la Princesse. Tu n’as pas pensé qu’à toi, mais plutôt à l’amour que tu portes à ton ami et tu l’as sauvé. Répands cet amour dans le monde. Va maintenant, poursuis tes rêves et si tu crois en toi, tout est possible.


Et elle disparut.

Je vois ici la princesse Muscade comme étant une émanation intelligente de la Vie, une présence très subtile d’amour et de compassion qui apparaît sous la forme d’une princesse habillée en bleu clair. Elle n’apparaît qu’aux personnes qui ne sont pas pétrifiées dans la rationalité, celles qui ne sont pas obnubilées par les valeurs matérielles et qui peuvent encore témoigner de la compassion. Beaucoup d’habitants vivant dans cette île paradisiaque sont pris dans le piège de l'apparence de la séparation et dans la croyance que la sécurité est dans les valeurs matérielles. Dans l'image ci-dessous les habitants ne voient qu'un radeau. Ils plongent aveuglément à l'eau croyant qu'ils trouveront peut-être des diamants sur le radeau.


Illustration de ©Annouchka Gravel Galouchko, tirée de l'album jeunesse, Le mystère de l'Île aux épices, Annick-Press, Toronto

La princesse Muscade intervient en apparaissant au garçon (Aglo)
puis à la fillette (Pétale) dans le but d'encourager les valeurs du coeur. Il lui fallait protéger, de l'ignorance destructrice et aveugle, le capital de beauté et de générosité de la nature.

Dans cette vignette, j’ai illustré de façon très accessible et littérale le diamant se posant au milieu du front de Pétale (le troisième oeil, ou oeil intérieur, qui donne accès à la vision au-delà des apparences), ce qui permet au lecteur de mieux s’abandonner à l’image principale qui est plus imaginative et allégorique.



Pour que Pétale puisse voir la Princesse Muscade, il fallait que celle-ci soit d’abord en elle!

L’image illustre une expérience d’illumination racontée aux enfants dans le texte : Pétale, soudainement peut voir la princesse au-delà des apparences physiques. Elle fait alors partie de son grand corps connaissant!

L’image de la princesse Muscade est une sorte d’autoportrait idéalisé dans lequel les polarités masculine (Aglo) et féminine (Pétale) se rencontrent en une même personne.


Illustration de ©Annouchka Gravel Galouchko, tirée de l'album jeunesse, Le mystère de l'Île aux épices, Annick-Press, Toronto

Dans le visage de la princesse Muscade, Aglo et Pétale partagent le fruit de la connaissance (la princesse n’apparaît que lorsque la noix de la muscade est prête à être cueillie); le fruit sensuel, au milieu du front de la princesse, symbolise le troisième oeil, celui de la connaissance où le sujet connaissant (Pétale) et l'objet à connaître (la princesse Muscade) se confondent à la fois en un tout et en interdépendance. Pétale peut voir la princesse tout en faisant partie d’elle. Toutes deux ont des fonctions différentes tout en ayant la même essence.

Image de Petite Mama-Arbre

Je laisse tous mes biens à Pétale Cape et à Marcus parce que je sais dans mon coeur qu’avec eux mes arbres vont continuer à porter des fruits et mes muscadiers à croître pour des générations à venir.

On reconnaît l’arbre à ses fruits. Les enfants ont la maturité spirituelle nécessaire pour prendre soin des arbres qui continueront à porter des fruits pour des générations à venir. Aglo et Pétale s’amusent ici dans l’arbre “Petite Mama”. Ils grimpent dans une échelle (symbolisant l’élévation spirituelle) pour atteindre le coeur de l’arbre renfermant un espace infini et paisible. Ils explorent joyeusement cet espace, le coeur de la Vacuité, apprenant comment fonctionne leur propre Coeur-Esprit. Petite Maman, selon moi, est un autre aspect de la Princesse Muscade, émanée par l’intelligence de la Vie et servant de guidance aux enfants.


Illustration de ©Annouchka Gravel Galouchko, tirée de l'album jeunesse, Le mystère de l'Île aux épices, Annick-Press, Toronto

Et aujourd’hui, grâce au dur labeur de Pétale et de Aglo, la muscade est la plus précieuse récolte de cette île des Caraïbes, l’Île aux épices.

Jusqu’à ce jour, personne n’a revu la Princesse Muscade ou Petite Mama.



Illustration de ©Annouchka Gravel Galouchko, tirée de l'album jeunesse, Le mystère de l'Île aux épices, Annick-Press, Toronto

Cette image illustre et symbolise le corps cosmique, omniprésent et éternel, imaginée sous la forme de la Princesse Muscade. La teinte bleutée et translucide de son Corps-Esprit sans frontières symbolise la vacuité d’où émergent toutes les formes. Le diamant au milieu de son front symbolise qu’elle est omnisciente : la Princesse voit tous les phénomènes dans l’univers entier tout en veillant tendrement sur l’île aux épices qu’elle tient précieusement dans la paume de sa main, comme un joyau.

Dans mon image, La Princesse cosmique devient le refuge des habitants de l’Île aux Épices. Sa nature est amour lumineux, symbolisée ici par le soleil incandescent réchauffant les êtres. Sa nature est aussi calme et apaisement, symbolisée par les gammes des bleus du ciel, de la mer et des sources manifestées dans son grand corps. On peut voir aussi en elle, les habitants de l’Île aux Épices, naître, grandir, vieillir puis mourir. C’est du Coeur de la Princesse, la source de la Vacuité, que les êtres naissent et à la fin de leur vie y retournent. C’est leur propre esprit! On sent dans l’image le mouvement éternel du cycle des naissances et des morts. Le corps de la Princesse est aussi un paradis, une Terre devenue pure grâce au dur labeur de Pétale et de Aglo.

Richardo vivait à ce moment-là à Toronto et moi à Montréal. Nous ne nous sommes ni vus, ni n'avons échangés grand-chose comme paroles, moi, parlant l’anglais comme “une vache espagnole” et lui, encore moins bien le français! En fait, nous n’avons pas ressenti le besoin de nous parler. Notre éditrice, Anne Mylliard faisait le pont entre nous et nous lui faisions confiance.

Pour illustrer son livre, j'ai honoré mes sens, remplissant mes yeux et mon coeur de nombreuses visites au jardins botanique de Montréal dans ses serres tropicales voluptueuses, également de photos des Caraïbes, les oreilles de musique créole, les narines, papilles gustatives et le corps de mets épicés en expérimentant de nouvelles recettes de cuisine! Mes expériences de voyage ont naturellement beaucoup aidé...

Lorsque l'auteur, Richardo Keens-Douglas a vu les tableaux enfin terminés, il en a pleuré d'émotion en me disant que c'était comme chez lui, dans son île aux épices! Nous nous sommes serrés très fort dans les bras.

Les critiques, en parlant des illustrations nées de cette aventure créatrice ont dit qu’elles étaient colorées, multisensorielles, mystiques et complexes, tout en proposant de multiples niveaux de lectures et de compréhension.

Il n’y a de cela quelques années, par l'entremise de Richardo Keens-Douglas, Stéphan Daigle, mon compagnon illustrateur et moi avons eu un contrat pour illustrer l'emballage d'une tablette de chocolat de la Granada Chocolate Factory qui devait s’inspirer de l’esprit du Mystère de l’île aux épices. Cette toute petite compagnie est une coopérative écologique qui a été bâtie dans l'esprit même véhiculé dans le conte Le mystère de l'Île aux Épices.


illustration de Annouchka Gravel Galouchko et de Stéphan Daigle

L'illustration, pour moi, c'est coucher sur le papier la beauté de la psyché. L'illustration, pour moi, c'est ouvrir grand les yeux sur ce qui n'apparaît pas au premier regard. L'illustration, pour moi, c'est aussi sublimer et colorer mes expériences en une forme symbolique.

La plus grande joie pour un artiste au tempérament contemplatif est d’insuffler dans son travail une vibration, un mystère insaisissable témoignant d’une réalité vitale passant par la porte des sens, au delà des sens. Cette beauté est le reflet, dans le lecteur ou le spectateur, de son propre frémissement.

Je souhaite, comme bien des artistes, que les livres que j’illustre ou écris aient une longue vie et deviennent des classiques " portant des fruits pour les générations à venir". Le rôle de l'artiste, selon moi, est de mettre au monde d'autres rêves de beauté qui inspireront d'autres êtres sur la voie sensible de la création.

Et l'artiste doit apprendre à le faire, de façon consciente et altruiste, ce qui ne va pas de soi, si on ne se reconnaît pas dans le SOI.

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