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Chers amis

Mon tout nouveau site www.annouchkagravelgalouchko.com contient un blogue que dorénavant j'utiliserai pour partager ma vie artistique avec vous. Je vous invite donc à m'y suivre.

Ce blogue-ci servira uniquement à commenter mes activités de médiation culturelle avec les partenaires institutionnels.

mercredi 10 février 2010

Parcours d'Annouchka Gravel Galouchko


L'exil 2, acrylique sur toile, 150 cm x 150 cm, 2010
©Annouchka Gravel Galouchko


Shô et les dragons d'eau, gouache sur papier, 54 cm x 38 cm, 1995
Image ©Annouchka Gravel Galouchko tirée du livre Shô et les dragons d'eau, Annick-Press, Toronto

Issue d'un métissage culturel (père né en France de parents russes et mère née en Saskatchewan de parents Québécois) et ayant vécu et voyagé depuis ma plus tendre enfance dans plusieurs pays (trois ans en Égypte, trois ans en Iran, un an au Mexique, un an en France et deux ans en Autriche), j'ai côtoyé différentes cultures. Ainsi, mon vécu et ma double origine ont enrichi et complexifié mon identité culturelle. À mon insu et au fond de moi s'est créé un amalgame de toutes ces influences que je retrouve par un effet de miroir dans mes oeuvres. J'élabore ma propre mythologie à partir de toutes ces civilisations qui m'ont traversée et que j'ai traversées. Faisant partie de mon vécu passé non intellectualisé d'enfant et d'adolescente, ces multiples impressions que je recrée encore spontanément dans mon travail, ont été reçues en toute sensibilité et sensualité, pour le meilleur et pour le pire. Petite, je me sentais déjà étrangère et familière à plusieurs cultures, immergée, mais aussi souvent déracinée dans de nouveaux espaces sociaux culturels auxquels je devais rapidement m'adapter : j'absorbais et assimilais leurs influences comme le fait, en toute innocence, un enfant impressionnable.

Parfois, notre famille de quatre enfants ne pouvait accompagner mon père dans ses voyages de plusieurs mois de travail intense à l'étranger. Nous restions avec ma mère dans notre maison à Montréal, poursuivant notre routine d'écoliers. Mais nous suivions, à travers les récits de ma mère, notre père à l'esprit aventurier. Ses nombreuses pérégrinations n'étaient pas dépourvues d'aventures parfois époustouflantes et d'événements colorés. À travers ses lettres et nos nombreuses collections de timbres séchant dans toute la maison sur d'interminables rouleaux de papiers de toilette, nous suivions ses voyages. Mon père ne manquait jamais de nous rapporter des cadeaux, de l'artisanat local et ancestral de ses nombreux voyages en Afrique, en Inde et dans les pays scandinaves. Il ne s'agissait pas de l'artisanat destiné aux touristes endormis, mais d'objets signifiants parlant de la vie psychique des peuples et de leur âme. Notre maison en était peuplée. Je me rappelle, entre autres, les poupées cousues par des enfants dans des tissus variés sentant encore le vent du désert, les épices et le cuir. Elles étaient mes compagnes de jeu.

J'ai hérité de mes parents un riche bagage culturel, la passion des voyages et une curiosité insatiable pour les cultures du monde. Avec l'âge, une certaine distance critique face aux traditions de ces différents pays s'est naturellement créée; mais en même temps demeure toujours profondément ancrée en moi, une sensation que toutes ces cultures sont aussi les miennes. C'est pour cela que l'on peut faire appel à moi pour illustrer des textes qui parlent "de l'autre en moi-même", pour illustrer les parfums du monde, par exemple Le mystère de l'île aux épices, de Richard Keens-Douglas né à Grenade, dont les dessins et les couleurs prennent une vibration des Caraïbes, Mala, un conte du folklore de l'Inde, ou The Birdman, une histoire très touchante se passant à Kolkota, ou encore, mon propre texte Shô et les dragons d'eau dont les illustrations prennent un accent de finesse de l'art japonais.

Ce que je privilégie avant tout dans l'illustration des histoires et dans leur écriture, c'est ce qui nous aide à nous révéler à nous-mêmes. C'est le sens même de ma démarche artistique. Les histoires qui disent la vérité intérieure sont en fait un matériau très puissant pour se retrouver et se relier à nouveau à notre source fondamentale. C'est cette source qui est l'essence même de la vie, de notre liberté et de notre joie de vivre. Et tous, tant que nous sommes, nous oublions et perdons si souvent de vue cette vie profonde qui nous anime. Nous nous débranchons facilement de notre pouvoir fondamental et nous en sommes malheureux. L'art nourrit l'âme. L'art est un moyen extrêmement puissant et à la portée de tous pour comprendre le parcours du voyage de notre âme qui est parfois si douloureux. Il peut nous guider dans l'inconnu qui nous terrifie.

L’album jeunesse Shô et les dragons d’eau (Éditions Annick-Press 1995) que j’ai écrit et illustré, témoigne parfaitement de ce désir de sortir de l’ombre les peurs et les cauchemars et de les exposer à la lumière, afin qu’ils deviennent énergie créatrice. Le livre a remporté le prix du Gouverneur Général du Canada pour ses illustrations et le texte a été mis en nomination. La même année, Shô a remporté le Silver Birch Award Ontarien ainsi qu’une médaille d’argent pour le prix littéraire International Korczak en Pologne. L’album sert aussi d’outil dans les cliniques et les milieux scolaires afin d’aider à guérir la psyché des enfants traumatisés par la guerre. Il est parfois bien étrange de voir comment certaines oeuvres du passé sont annonciatrices de notre cheminement à venir.

Les textes que j'illustre fourmillent de symboles. Ceux-ci sont également un matériau puissant appartenant à l'inconscient collectif. Je désire que mes contes et mes images, tant par leur contenu symbolique qu'artistique, s'adressent aux adultes autant qu'aux enfants. L'écrivaine, Marie-Claire Blais, a su trouver les mots pour décrire cet état de grâce qui survient lorsque, devant une de ces oeuvres magiques, la raison cède la place à l'enchantement : « ..., nous sommes éblouis de féeriques images et de sortilèges de ce monde renversé sous le trait brûlant des couleurs du peintre qui raconte une histoire. »

Mes oeuvres picturales reliées à l'écriture sont essentiellement narratives parce qu’elles racontent une histoire. Depuis longtemps, mes images me suggèrent des histoires et il m'est venu tout naturellement de les écrire. Puis les histoires sont venues d'elles-mêmes sans support visuel. Lorsqu'on me demande d'illustrer un texte, je me l’approprie pour mieux le servir et pour m'en inspirer. J’ai illustré par exemple, la dernière trilogie romanesque de Marie Claire Blais, Soifs parue chez Boréal en 1995, Dans la foudre et la lumière, publiée en 2001, (dont la couverture est un immense peinture, une oeuvre personnelle créée entre 1986 et 1989, sous le nom de La colonne des vies antérieures) et enfin Augustino et le choeur de la destruction, en 2005. L’écrivaine qui se sent des affinités avec mon travail de peintre et d’illustratrice, a écrit un très beau texte poétique en guise d’introduction pour la monographie, Envol imaginaire, consacrée à mon travail visuel, (1998 aux éditions Les 400 coups, dans la collection Images). Inpirée par mon travail, l’écrivaine s’est servie de mes tableaux pour illustrer son propos lors de la soirée qui lui était consacrée dans le cadre des événements littéraires tenus à la maison de la culture Frontenac en 2001.

Gaston Miron a donné le nom de L’homme artériel de mes gigues à un de mes grands tableaux, un personnage intense tout en relief qui l’a accompagné comme mascotte lors de la tournée de son spectacle, La marche à l’amour, (textes et chansons tirées du recueil L’homme rapaillé, en 1991 et 1992.

De 1987 à 1989, j’ai eu la chance de collaborer avec le très beau magazine littéraire transculturel québécois Vice-Versa. Philosophes, sociologues, poètes, penseurs, écrivains, peintres et illustrateurs s’y exprimaient autour de la notion de transculture. J'ai également eu la chance d'exposer au Centre culturel Canadien à Paris en 1987 à Paris, avec les illustrateurs et les peintres talentueux qui collaboraient au magazine Vice - Versa. Le thème de l'exposition était inspiré d'un numéro du magazine précédemment paru, Visions américaines. Parmi les artistes et amis se trouvaient Stéphan Daigle, Normand Cousineau, Pierre Paul Pariseau, Daniel Sylvestre, Philippe Béha, Julie Gascon, Kamila Wozniakowska et Richard Parent, malheureusement décédé trop tôt.

À cette même époque, j'ai travaillé pour le magazine spécialisé du cinéma québécois Lumière. Critiques, cinéastes, réalisateurs, écrivains y discutaient d'un numéro à l'autre autour de la production du cinéma québécois, exprimant des points de vues divers.

Ma créativité emprunte beaucoup d'avenues. Dans le domaine pictural, elle va de l'illustration à des créations beaucoup plus abstraites. Mes préoccupations ne sont pas essentiellement d'ordre formel. Prenant ses racines dans un sentiment beaucoup plus profond, ma créativité tend à s'exprimer au-delà de toutes catégories d'abstraction ou de figuration. À mes yeux, la qualité principale d’une oeuvre est que celle-ci témoigne d’une réalité vitale au-delà de nos sens, ce que les Japonais appellent le yugen. C’est en cela que l’oeuvre devient universelle, transcendant le temps et les modes.