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Mon tout nouveau site www.annouchkagravelgalouchko.com contient un blogue que dorénavant j'utiliserai pour partager ma vie artistique avec vous. Je vous invite donc à m'y suivre.

Ce blogue-ci servira uniquement à commenter mes activités de médiation culturelle avec les partenaires institutionnels.

dimanche 12 avril 2009

Deux immigrants

La première fois que j'ai entendu la chanson traditionnelle, Dvé guitari, (Deux guitares), c'était à la Pâques russe, chez mes grands parents paternels. J'étais une toute petite fille et c'était mon père et mon grand-père, un peu éméchés, qui la chantaient de toute leur âme slave. Tous deux grattaient leur guitare accordée à la russe, en chantant de vieilles chansons et en buvant de la vodka, se remémorant aussi des souvenirs de guerres (en Russie et en France). Nous les enfants, nous nous empifrions de zakouskis (hors-d'oeuvres), de paska (dessert fait avec du fromage blanc) et de koulich (gâteau traditionnel de la Pâques au levain) que baba et died (mes grands-parents) avaient préparés.

Notre tribu fêtait deux fois Pâques et deux fois Noël, à la Québécoise, (côté maternel), et à la russe, (côté paternel)-, ce qui donnait l'occasion à notre famille de poursuivre la fête. Nous allions à la cathédrale russe de Montréal, Saint-Pierre et Saint-Paul, pour la cérémonie de Pâques avant de nous retrouver chez baba et died. La majesté des rites byzantins, l'iconostase mystérieuse, la rutilance des vêtements somptueux sacerdotaux des popes aux visages de magiciens médiévaux (chevelure aux épaules et longue barbe), les choeurs des vieux, la magie des chandelles hypnotisantes que nous tenions fièrement dans nos mains, toute cette beauté mystique exaltait mes sens d'enfant.

En cette journée de Pâques, au lieu de se dire bonjour, on se saluait, à l'église et à la maison en disant: Christos voskrese! (Christ est ressuscité), tandis que l'autre répondait: Voïstinou voskrese!" (En vérité, il est ressuscité). Je ne parle pas le russe mais cette salutation pascale est restée gravée dans ma mémoire. Je l'ai mise en guise de refrain pour remplacer le couplet de Deux guitares que Aznavour a rendu célèbre, Ekh raz yechtcho raz, yechtcho mnogo mnogo raz, ekh raz yechtcho raz yechtcho mnogo mnogo raz ! Encore une fois, beaucoup de fois, plusieurs fois! Encore une fois, beaucoup de fois, plusieurs fois!

Aznavour a repris l'air et l'esprit des paroles de cette chanson russe traditionnelle pour en faire une adaptation de ses paroles en français. À mon tour, je me suis inspirée des paroles de Aznavour en les plongeant dans le contexte si particulier de mon enfance.
Dvé guitari était la pièce maîtresse de mon père lorsqu'il grattait sa guitare. Je crois bien que papa s'identifiait (et s'identifie encore) au personnage de la chanson qui s'enivre pour couvrir la voix qui dit à son âme: "Où as tu mal, pourquoi as-tu mal?"

Lorsque j'ai montré à mon père mon texte de Deux immigrants, il y a environ un an, il m'a dit:" C'est bien, ma Nouch..., mais j'aimerais bien qu'on travaille ensemble la fin de cette chanson afin qu'elle soit plus optimiste, qu'on y sente l'espoir..."

J'aimerais terminer à l'hôpital ou ailleurs, s'il en sort, cette chanson avec lui avant qu'il ne parte pour la non forme.

Deux immigrants
Paroles de Annouchka Gravel Galouchko inspirées des paroles des "Deux guitares" de
Charles Aznavour
Sur un air traditionnel russe "Dvé guitari"

Deux immigrants sans répit
Grattaient leur guitare
Père et fils réunis
Ranimaient leur histoire

Sans savoir que roulait en moi
Un flot de détresse
Faisaient renaître sous leurs doigts
Leur vieille tristesse

Refrain

Pâques russe!
Pâques russe!
Christos voskrese! (Christ est ressuscité)
Pâques russe!
Pâques russe!
Voïstinou voskrese! (En vérité, il est ressuscité)

Jouez papa, jouez diedouchka!
Annouchka ne comprend pas
L'enfant danse et tape des mains
Pour amuser grand-père

Où as-tu mal? pourquoi as-tu mal?
Aaaaah...Grand-mère est en colère!
Elle veut que tu cesses de boire
Et arrête tes déboires
Elle dit qu'il est ressuscité!

Refrain

Pâques russe!
Pâques russe!
Christos voskrese! (Christ est ressuscité)
Pâques russe!
Pâques russe!
Voïstinou voskrese! (En vérité, il est ressuscité)

Died voulait rire et chanter
Et soûlez sa peine
Pour oublier le passé
De toutes ses guerres

Allez, apportez-moi de la vodka
Car cette eau vive rend la vie!
Oh!Versez! versez à l'officier de l'armée blanche
Et au gamin de la résistance!

Refrain

Pâques russe!
Pâques russe!
Christos voskrese! (Christ est ressuscité)
Pâques russe!
Pâques russe!
Voïstinou voskrese! (En vérité, il est ressuscité)

Deux guitares en ma pensée
Jette un trouble immense
Tu sais, papa, rien a changé
À la fin de ton existence

Que vivons -nous? Pourquoi vivons-nous?
Quelle est la raison d'être?
Bois un peu moins, petit père
Mange un peu plus, je t'en prie
On dit qu'il est ressuscité

Refrain

Pâques russe!
Pâques russe!
Christos voskrese! (Christ est ressuscité)
Pâques russe!
Pâques russe!
Voïstinou voskrese! (En vérité, il est ressuscité)

Tu sors encore à Pâques ta vieille guitare
Et chante dvé gitari
Pour consoler ta vieillesse
Boit de la vodka blanche
En pensant je suis vivant aujourd'hui
je serai mort demain et encore plus après demain
Mais en attendant, buvons, jouons, chantons!

Refrain

Ekh raz yechtcho raz!
Ekh raz yechtcho raz!
Yechtcho mnogo mnogo raz!
Ekh raz yechtcho raz!
Yechtcho mnogo mnogo raz !
Encore une fois, beaucoup de fois, plusieurs fois! Encore une fois, beaucoup de fois, plusieurs fois!

mercredi 1 avril 2009

Chimères et Papillons



Parfois, Yamauba faisait des cauchemars.

Un même rêve angoissant revenait cycliquement la hanter : le vent mugissait dans le jardin tandis qu'un immense papillon de nuit au visage triste et enfantin la suppliait de lui ouvrir la porte de la maison. Le souffle océanique et glacé provenait d’un orage lointain rageant à quelques kilomètres de la côte. Le papillon risquait à tout moment d’être emporté au large dans la danse violente et infatigable des rafales. Yamauba, pleine de compassion, ouvrait alors grand la porte de son coeur. En pénétrant dans la maison, le papillon apeuré se transformait en une horrible chauve-souris vampire. Ma fille se réveillait paniquée et courrait me rejoindre dans mon lit.

Au bout du dixième cauchemar identique, je m’inquiétais pour Yamauba qui retombait sans cesse dans les filets de son rêve. J’avais beau lui dire de se pincer très fort le bras pour se réveiller, ou encore de se rappeler la face sombre du papillon avant de lui permettre de rentrer, elle oubliait.

Ma petite semblait soumise à une contagion émotionnelle implacable dont son père décédé et moi-même étions, sans le vouloir, les principaux émetteurs. Cette prise de conscience pénible m’amena à chercher d’autres outils pour aider mon enfant, d'autres solutions plus proches de mon cheminement de peintre.

Finalement, Yamauba trouva elle-même un moyen efficace pour se libérer de son rêve en se fabriquant, dans du papier résistant de fibre de mûrier, un sac à cauchemars. Elle le peignit de couleurs lumineuses.

Le sac demeura vide plusieurs jours dans sa chambre. Puis un jour, elle y déposa quelque chose... un haïku du poète Buson. C'était le même que j’avais retranscrit dans le pavillon d'été, sur le mur de mon atelier :

“Sur la cloche du temple
Un papillon dort
Profondément.”

J’étais sidéré : ma fille n'avait jamais mis les pieds dans mon atelier, condamné avant sa naissance. Elle ne pouvait connaître l’existence du poème sur le mur. Yamauba l’avait recopié d’un recueil de haïkus à la bibliothèque du monastère. Lorsque je lui demandai pourquoi elle avait choisi ce poème, elle ne put me répondre.

(Extrait de Chimères et papillons en cours d'écriture)